Journaux '90

Avril 1993

 

Nous n'avons plus qu'un jeu de pales, qui plus est, en très mauvais état et il brasse son dernier souffle. Songeant à l'avenir, je me souviens d'une remarque de Daniel F1EDA, évoquant les antennes raccourcies pendant la saison hivernale et il poursuit en proposant la même stratégie pour l'hélice de l'éolienne. L'idée est séduisante, mais comment s'y prendre? Je n'ai pas l'intention de copier les planches originales. Je plonge et après quelques visites à l'aéroport, je retiens un profil d'hélice d'un Piper. Après des jours de réflexion, je renonce au projet d'une tournée nocturne afin de subtiliser ce ventilateur, non pas à cause des gardiens, mais parce que ça ne marcherait pas.

Une hélice d'avion fonctionne en traction, à l'inverse de l'éolienne, qui travaille en poussée. Le bord d'attaque et le bord de fuite sont inversés et le profil de dépression aussi. Je dépoussière ma planche à dessin, et je préchauffe les fonctions arc-sinus-hyperboliques de la calculette. Après quelques semaines de tir à l'arc..., les plans et dessins sont terminés. Description: Les valeurs en parenthèses font référence aux pâles d'origine. L'envergure de l'hélice est de 2m (3m), ce qui devrait réduire l'effet gyroscopique. La finesse du profil et l'angle d'incidence évoluent en fonction du diamètre (linéaire), ce qui inculque la vrille (inexistante), propre à une vraie hélice. La base des pales a une épaisseur de 45mm (16mm), assurant une meilleure prise en charge des contraintes gyroscopiques. La superficie face au vent est de 0,32m (0,42m), ce qui représente une réduction de la surface de 25%. Mais ceci n'est que de la théorie et n'occupe que quelques lignes. La pratique est plus épaisse et m'occupera quelques mois. J'ouvre le chantier et petit à petit, les copeaux de bois envahissent la petite cour du QRL. Fin septembre les nouvelles pales (version 2.00) sont prêtes. Quant aux performances face au vent je n'ai aucune certitude mais la prochaine montée à l'alpage nous l'apprendra.

 

Dimanche 17 octobre 1993

 

6ETQ, Brigitte, 9AHK. Nous devons ajourner l'installation des nouvelles pales parce que l'arbre pivot et la charnière du gouvernail accusent une usure très importante. Nous bâchons la machine avec un sac à ordures. J'amène les pièces usées à Roland HB9CGO.

 

Mercredi 20 octobre 1993

 

la mécanique est restaurée. Faut pas rêver, c'est le service express à Roland.

 

Dimanche 31 octobre 1993

 

6ETQ, 9AHK. Nous remontons la charnière, l'arbre pivot et le gouvernail et cette fois c'est aussi la nouvelle hélice qui va prendre de l'air. Ce soir le vent est en grève, donc patience jusqu'au...

 

Dimanche 7 novembre 1993

 

HB9AHK. C'est la minute de vérité. A mon arrivée, le vent ouest survole le sommet à 60km/h. La machine est en position d'arrêt. Je la tourne face au vent. Aussitôt le courant de charge accuse 50A. Sous la machine, le spectacle est gratifiant. J'entends un léger sifflement venant de l'extermine des pales. L'hélice, est en prise directe avec le vent, sans aucune turbulence, ni vibration. Cela révèle une très bonne pénétration dans l'air et probablement d'un rendement accru malgré les dimensions réduites. Je profite de vérifier le serrage des pales en rodage et quitte les lieux.

 

Dimanche 21 novembre 1993 (Etat d'urgence)

 

Contact radio avec Michel F6ETQ qui est en visite d'inspection au relais.

ETQ: Je vois que tu as bricolé sur l'éolienne....... AHK: Pas spécialement, pourquoi?...

ETQ: II n'y a plus de pales sur la machine, je croyais que tu les avais démontées pour modification...

AHK: Tu plaisantes !?

ETQ: Non, c'est démonté proprement, avec les pieds de pales..... AHK: ?!!..... ( minute de silence )

ETQ: Rien est cassé,... toutes! normal,... mais il y a plus de pales.

AHK: Tu te fous de ma gueule ?

ETQ: Non je te jure! crois moi! quelqu'un nous les aurait piquées? ...La machine est givrée, je ne vois pas les détails, je vais voir de plus près et te rappelle....... il me semble voir des morceaux de bagues sur le moyeu et,... de loin Brigitte qui revient du ravin côté St. Sergue, avec quelque chose dans ses bras,... elle dit que c'est lourd...

AHK: Merci les amis! Je vous rappelle ce soir.

Revenant d'une petite ballade autour du Massif, Brigitte nous ramène la preuve de ce que nous redoutions. Une pièce en fonte d'acier, solidement attaché au bout d'un morceau de bois qui ressemble étrangement aux restes d'une pale d'hélice. L'autre pale sera déposée plus tard par un randonneur à la cabane du Ski Club.

Soir : interrogation, réflexion, conclusion.

La finesse des nouvelles pales et une défaillance (une de plus) de l'asservissement machine, sont à l'origine de l'emballement de l'hélice, suivie de l'éclatement du système de fixation des pales sur le moyeu central. Huit boulons M8 en inox par pale sont littéralement arrachés du moyeu. Six mois de copeaux de bois satellisés ! ! !. .
Ce soir mes idées sont un peu mitigées, et le mieux que je puisse faire, est de ressortir ma planche à dessin, de boire un coup et d'aller me coucher. Mais avant cela, je me promets que plus jamais je toucherais cette misère de pourriture d'installation électrique, à l'exception du moment qui ne va pas tarder, quand le tableau de charge et la mécanique d'asservissement, prendrons le chemin le plus court pour être largués dans la première benne de chantier se trouvant sur mon parcours ! L'état d'urgence porte ses fruits, car dès maintenant ça va bouger.

 

Janvier 1994

 

AHK Cette année est consacrée à la réalisation du nouvel asservissement machine, du tableau de charge comprenant le courant fort et faible, d'un système de dégivrage du switch de détection tempête, la révision mécanique complète de la machine éolienne, y compris le démontage du pylône qui pour la circonstance sera couché, décapé et repeint. La lourde dérive en acier cédera sa place à une nouvelle en anticorodal. La vieille chèvre en bois subira le même sort. Aussi le nouveaux jeux de pales version 2.01 avec leurs pieds prennent forme sur la planche à dessin. Cette version est dotée d'un angle d'incidence plus important permettant un démarrage avec des vents de moindre importance, ainsi que de réduire le nombre des tours en général. Roland HB9CGO, s'est une nouvelle fois engagé pour nous sortir d'une gonfle de mécanique pointue, réalisant le support et accessoires pour le vérin à visse trapézoïdale. Aussi quelques entreprises Genevoises de mécanique en prototypes et de petites séries ont prëté un précieux concours. Mr. Caduff, NACHBUR SA pour les pieds de pales et le fraisage de la charnière pivotante du gouvernail. MEGEVET SA pour divers pièces de la dérive et travaux de soudage à l'argon. Roland PECCOUD ébéniste pour la confection des ébauches pour les pales. Mr. Blattner, AMAG Genève: pour le traitement au TEFLON de la surface des pales. Après 65 montées à l'alpage nous voici le...

 

samedi 3 septembre 1994

 

AHK, ETQ, Brigitte. Nous sommes trois. Apres courte délibération, la décision tombe. Nous dressons le pylône de l'éolienne. L'assemblage au sol se passe bien. Mais la levée à la verticale est un poème. A trois, nous réussissons à gérer le moufle, l'échelle, la corde, les noeuds, la perche, l'équilibre, la chance et le temps d'arroser tout ça. En 1976 nous étions vingt et un. Le poème était infiniment plus long.

 

Dimanche 20 novembre 1994

 

(AHK, ETQ, Brigitte, Patrick) Sujet: Baptême de l'air de la nouvelle installation. Le pylône est debout, précâblé et prêt pour recevoir sa coiffe.

08h30: Nous sortons la machine remise à neuf avec le moufle attaché à la charpente et une planche posée sur la fenêtre.

11 h: Nous installons la chèvre au sommet du pylône et après le tricotage traditionnel autour du moufle tout est prêt pour hisser la machine. L'ensemble du chantier se déroule sans surprises.

13h: La machine avec le nouveau gouvernail est en place et avant de passer à table nous faisons un essai de l'asservissement. Tout ok.

15h: Câblage des trois phases sur la machine, mise en place des pales Version 2.01, finition diverses et start machine,... mais le vent du soir n'est pas au rendez- vous. Toute l'installation est neuve, avec 0.00 heures de vol au compteur.

16h30: Le soleil se couche, la nuit nous surprend très vite. Les copains, restent sur leur faim et regagnent la vallée, je reste encore un petit moment espérant au petit coup de vent révélateur.

18h: Je décide de quitter les lieux et par mesure de prudence, dans le but de préserver la machine jusqu'à samedi prochain, je la tourne en position d'arrêt. Relais et balise sont déclenchées par la surveillance de tension minimale fixée à 10V5 (batterie à 9V5). Aussi, pour éviter l'enclenchement automatique des équipements, j'enlève le fusible de l'asservissement, et surprise, le R5 s'enclenche '.... ça, c'est le Gluttard de l'année! Attachez vos ceintures: Ce phénomène est provoqué par la charge de l'éclairage du tableau électrique qui, étant enclenché mais plus alimenté par le fusible, présente une fuite contre la masse et réarme le circuit de surveillance U minima à travers le contact de repos du relais stop et de l'enroulement du relais start. Une diode s'impose, le Gluttard est levé. Mais j'ai séché un petit moment, la preuve, il est 21 h: J'attends toujours le coup de vent afin de savoir si je me suis planté ou pas.......

22h30: Enfin l'aiguille de l'instrument de charge se réveille et se balance entre 15 et 30A. Je sorts en courant et vois la Gluttolienne éclairée par la lune, tournant comme une éolienne, tout en silence. Emerveillé, je surveille jusqu'à minuit, me couche un moment et quitte rassuré à 1h30, en assumant le risque de laisser la machine dans le vent. Batterie à 12V8. Descente au clair de lune.

3h à Genève. Relais et balise en service. Hasard ou coïncidence ? Le 21 novembre 93 à 15h F6ETQ m'annonçant que l'éolienne est démunie de l'hélice, (état d'urgence). Le 21 novembre 94 la nouvelle machine reprend du service. De nombreuses montées suivent avec F6ETQ, HB9VAD et HB9AGY afin d'observer le comportement de l'ensemble de l'EDF de la Glutte. Tout va pour le mieux jusqu'au....

 

Jeudi 29 décembre 1994

 

Le R5 s'arrête pour cause de manque d'énergie. C'est pas normal, car il y a du vent en altitude. Michel F6ETQ monte en solo pour inspection. Sur le site, le vent fait du 80km/h. La machine est en surrégime. La commande stop ne fonctionne pas. Sur deux phases les fusibles 25A ont fondus et sur la troisième le pont de Graetz s'est rendu, la génératrice n'est plus chargée, ce qui explique sa fougue. Craignant l'éclatement du moyeu de l'hélice (comme en nov. 93), Michel engage la procédure d'arrêt de fortune. Il grimpe sur le pylône, le balais de riz d'une main, s'agrippant avec l'autre au mât. Constamment déséquilibré par le vent, il arrive à un mètre de l'hélice qui siffle comme un turbo. Le freinage peut commencer. A l'extrémité de pales la vitesse est de 250km/h. La brosse du balais les effleure à peine, que Michel prend le manche en pleine figure. Il n'a rien vu venir, il glisse le long du hauban comme un téléphérique et se réveille couché dans la neige. C'est raté, il n'a pas envie de recommencer. En un rien de temps, le balai a pris un sacré coup de vieux, son scalpe nous ne l'avons jamais retrouvé. Michel, bien qu'un peu secoué, engage de suite la procédure de réserve.

 

Lancer du marteau

 

Cette discipline lui réussit mais de loin pas du premier coup et il en sort sur les genoux. Cette méthode consiste a lancer une corde lestée d'un marteau par dessus le gouvernail, afin de tirer ce dernier en travers du vent et calmer la machine. Mais avec un vent glacial qui frise le radar et la neige jusqu'aux coui...... cela tient à de la fiction, risquant à chaque lancement un retour de marteau, avec en prime une pale d'hélice. Après d'innombrables tentatives, Michel tient enfin le gouvernail en laisse et arrête la machine. Le gouvernail en travers du vent oppose une vive résistance au Gluttier, la corde est très tendue. Luttant contre tous ces éléments, le Gluttier essaie d'atteindre le point d'arrimage le plus proche, mais la corde est... trop courte !! Pas question de lâcher prise, car le vent emmènerait corde et marteau dans les airs. Michel attache la corde au pylône, rentre dans la cabane et en ressort avec une collection de ficelles en guise de rallonge. Il tricote un sac de noeuds et attache le tout au chêneau de la cabane. La machine ainsi calmée, il remonte sur le pylône et avec le reste des ficelles, il immobilise définitivement l'hélice. Pour terminer, il récupère la corde, libeérant ainsi le gouvernail à sa vocation premieère. La Messe était mouvementée. Merci Michel !

 

Vendredi 30 décembre 1994

 

(AHK, ETQ) Le diagnostique révèle que le câble de traction actionnant le gouvernail est desserré au niveau de la génératrice. Les pales d'hélice ont subi quelques égratignures, en souvenir d'un balai qui passait par là. L'origine de ce Gluttard incombe à la malveillance de votre serviteur AHK qui, lors de la remise en service du 20 novembre 94, avait économisé sur le serrage des serres-câbles. Plusieurs montées succèdent avec l'intention de remédier au défaut. La météo en veut autrement. C'est enfin le mercredi 1 février 95, que la météo nous ouvre une petite porte, nous permettant la remise en place du câble. Depuis ce jour, notre Gluttolienne nous a accordé une retraite bien méritée.

 

Pierre, HB9 AHK.

Il nous a fallu presque autant pour maîtriser tous les Gluttards sur l'éolienne. Aujourd'hui c'est fait, mais plus d'une fois le découragement se profilait à l'horizon. Tous ces Gluttards nous ont coûté la peau des fesses, au propre et au figuré. Il est vrai aussi que ces sacrés Gluttards, nous ont occasionné des très beaux séjours et souvenirs la haut sur le Massif de la Glutte. A cet endroit il nous semble opportun de rappeler que le site n'est pas desservi par le réseau de distribution 220V. Raison pour laquelle nous n'avons pas un grille-pain qui saute en l'air. En revanche nous avons une machine qui brasse de l'air et celle là nous l'avons vue plus d'une fois, sauter..... en l'air ! 

Pierre, HB9 AHK

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